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Versus: The Way to Shadow

Making of

 

“L’homme de l’ombre”

 

 

Dans ce papier je reviendrais sur les effets visuels du film ‘ Versus: The Way to Shadow, visibles dans la vidéo VFX breakdown.

 

Le film a été tourné avec une caméra Canon XM2 dans la région Nantaise en France (44100). Quelques plans sont entièrement en 3D, certains arrières plans ont été remplacés mais nous avons principalement tourné dans des décors réels, il ne s’agit pas d’un énième film tourné sur fond vert. Réaliser des effets spéciaux à base d’images en basse résolution était un sacré challenge mais j’étais assez chanceux d’obtenir toutes les informations nécessaires pour gérer les trackings caméra et les captures de mouvements.

 

 

Matchmoving

 

Sur les 415 plans à effets spéciaux du film, 77 demandaient un tracking de la caméra. La plupart utilisaient un tracking manuel en s’aidant de temps en temps de trackers placés dans le décor (cf. photo). Seulement deux plans ont été impossibles à tracker, à cause d’erreurs de débutant: trop de flou de mouvement, l’acteur couvrant la majeure partie du cadre…

 

 

Afin de régler le problème, l’acteur a été détouré (Merci à Ben McEwan pour son aide sur ces 2 plans) pour remplacer l’arrière-plan. Pendant le tournage j’avais du temps libre que j’ai utilisé pour capturer des ‘plans vides’ que j’ai ensuite collé ensemble pour créer une version panoramique à 270° de l’arrière-plan. L’étape délicate consistait à recréer manuellement le mouvement de la caméra réelle dans le logiciel 3D. Enfin j’ajoutais les  couches de débris et de clones. Comme ces plans contenaient beaucoup d’actions et de lasers, au final cela passait plutôt bien.

“Those are the trackers you’re looking for”

 

Capture de mouvements – Animation

 

Le challenge du film ! En 2007, lorsque nous avions commencé le travail sur le premier teaser, la motion capture ne faisait pas partie de mes compétences. Je pensais vraiment animer tous les clones du film manuellement. C’est ce que j’ai fait pour le premier teaser, et honnêtement, ça piquait bien les yeux. Nicolas (le réalisateur) et moi-même jouions les clones, filmés de face et de profil, j’utilisais ensuite ces références pour animer les soldats. Le résultat était surprenant (dans les deux sens).

En cherchant des solutions, j’ai découvert le module de capture de mouvements de Matchmover pro 4. Commençait alors le long procédé de tests: calibrations qui foirent, ajustement de la combinaison (en laissant tomber les balles de ping pong collées sur des ceintures), mauvais placement des caméras, ajustement du rig 3D, et un jour… Un test qui fonctionne!

Nous tournions dans une salle de 30m² avec 3 caméras mini DV JVC en plus de la Canon. Chaque session durait environ une heure, les caméras étaient placées aux quatre coins de la pièce, elles étaient accompagnées d’une lumière bleue. En effet, les capteurs de la combinaison étant recouverts de scotch rétro-réfléchissant, ils ressortaient mieux à l’image et facilitaient ainsi le processus de tracking.

Après plusieurs sessions de tests j’ai découvert le logiciel Movimento de Realviz qui facilitait encore plus la tâche. Pour la phase de calibration je me déplaçais dans la pièce en délimitant la zone de jeu avec un bâton recouvert de 5 bandes de scotch rétro-réfléchissant. Ensuite Nicolas entrait en scène et nous pouvions enregistrer nos animations une par une. Une fois devant l’ordinateur, après un long derushage, j’étais paré à tracker les capteurs de la combinaison un par un. Afin d’éviter d’être bloqué dans cette phase nous avions placé des capteurs sur le devant et aussi sur l’arrière de la combinaison (J’ai rapidement appris ça lors de la phase de tests).

Une fois cette étape accomplie, j’exportais le nuage de points 3D via un maxscript et je liais les contrôleurs du rig 3D à ces points.

 

 

Créer des animations à base de tournages multi caméras et en utilisant Movimento prenait énormément de temps. A la fin de la post-production j’ai utilisé iPisoft Desktop Motion capture (Merci au projet Danse Kabyle) et j’ai pu rapidement créer des animations à l’aide de 1 ou 2 Kinects pour remplir les séquences où Darius se battait contre des clones avec encore plus de soldats. Par sessions d’une heure, J’ai pu enregistrer différentes animations dans un espace réduit et voir directement le résultat dans 3ds Max. Un grand merci à l’équipe de développeurs d’iPisoft qui nous a permis de terminer rapidement nos séquences de combats.

Pour quelques animations telles que les chutes ou morts de clones, je ne pouvais plus demander à Nicolas de faire ces cascades, (on avait besoin de lui pour terminer le film !) J’ai donc utiliser le logiciel Endorphin pour simuler ces mouvements plus ou moins naturels, c’était un procédé assez  amusant.

 

Modélisation

 

J’ai modélisé les clones troopers en m’inspirant de références tirées des épisodes II et III de la trilogie. Les tout premiers modèles ressemblaient vaguement aux modèles originaux, ils ont d’ailleurs été utilisés pour les 2 premiers teasers du film. J’ai ensuite décidé de retourner sur les modèles afin de vraiment les faire ressembler à ceux des films de Lucas.

Les clones ne sont pas les seuls modèles à avoir été créés pour le film, des accessoires, vaisseaux, véhicules, débris (des TAS) ont aussi été modélisés, principalement dans 3ds Max. Quelques décors de la dernière séquence du film ont été générés grâce à la photogrammétrie. Peu avant la fin de la post production, je suis retourné sur les lieux du tournage afin de prendre plusieurs photos pour recréer des portions de sol en utilisant le logiciel Agisoft Photoscan.

 

 

“A gauche, les modèles ‘ça pique les yeux’ – A droite, le modèle final utilisé dans le film”

 

Textures

Un exemple des variations de textures ou ‘le syndrome de Batman : qu’est-ce que je vais bien pouvoir porter ce soir ?’

Après plusieurs visites dans des parkings et autres endroits louches, j’ai obtenu assez de photos pour réaliser les textures du film. De ces photos j’ai créé des brosses personnalisées pour peindre sur les UV dépliés des modèles. Chaque partie de l’armure possède un shader utilisant une texture de diffuse, glossy, reflection, normal bump, bump et de temps en temps une texture de displacement. Il y a 14 variations de chaque texture pour éviter la redondance dans un même plan. Les autres modèles 3D utilisent le même procédé.

Rendu

 

Au tout début du projet je n’avais aucune notion de rendu avancé comme on pouvait en avoir avec des moteurs tels que Mental Ray ou Vray. Il était indéniable que les éléments virtuels devaient être rendus de la façon la plus réaliste possible pour s’insérer au mieux dans les plans. Cette idée profondément ancrée dans mon esprit j’ai alors commencé l’apprentissage de Mental Ray. Tous les éléments 3D du film sont donc rendus à l’aide Mental Ray en utilisant les shaders du moteur. A la fin de la post-production j’ai même utilisé Iray sur quelques plans.

“Tests de shaders – Le monde n’est pas encore prêt pour le clone de bois”

Compositing

Une des phases la moins compliquée de la post-production mais néanmoins assez longue. La séquence sous la pluie a demandé un peu plus de travail que les autres. Afin d’aider à la future retouche d’image, nous avions tourné cette séquence en fin de journée et sous les nuages, exit les éclairages direct et ombres trop nettes. Je vaporisais aussi de l’eau sur les acteurs, il ne manquait que la pluie qui les attendait en post. Malgré l’utilisation d’un Glidecam sur le tournage, certains plans ont dû être re-stabilisé en post.

 

 

“Springbreak – Edition Star Wars”

 

Etonnement, les séquences les plus simples à compositer étaient celles où Darius se bat contre les clones, L’ambiance y est tellement chaotique que je pouvais me lâcher sur l’intégration des couches d’explosions, poussière, débris au milieu des clones tentant de survivre. Dans certains plans il y avait tellement de débris et d’éléments en 3D que je n’avais même pas besoin d’effacer certains trackers dans l’image (Là, j’aimais la résolution SD).

Il y avait un ‘plan impossible’ dans la séquence où les clones recherchent Naya, La caméra devait faire un panoramique dans une forêt, caméra à l’épaule, sur des clones fouillant parmi des buissons et autres fougères… Sur le tournage j’ai réalisé un panoramique en filmant différentes portions de l’image sur trépied, ce qui a facilité le masquage et l’intégration de certains clones dans l’espace 3D. Il ne restait plus qu’à insérer une caméra 3D simulant un mouvement épaule de gauche vers la droite.

Comme cité plus haut, certains plans étaient entièrement virtuels. Dans le plans ci-dessous, j’ai utilisé un des ‘plans vides’ pour y incorporer des clones en train de tomber un par un sous les lasers. Le fond est caméra mappé sur une géométrie reprenant la topologie du terrain, une caméra virtuelle effectue un travelling arrière puis j’y ai ajouté les éléments 3D: herbe, débris, clones et lasers.

La même technique a été utilisée pour le dernier ‘gros’ plan de clones. J’ai pioché dans ma librairie de ciels nuageux, Le sol du fond est caméra mappé sur une géométrie cylindrique et le sol frôlé par la caméra est généré avec Agisoft Photoscan (cf. video). Les clones dont la caméra passe tout près sont des modèles HD utilisant une animation de marche cyclique. Il en est de même pour les AT-RT. Les autres soldats contiennent peu de polygones et leur animation est issue d’un point cache. Ils sont dispersés en petits groupes via Particle Flow et suivent la géométrie du sol en direction de Darius. Mis à part les passes de caméra mapping, tous les éléments ont été rendus sous Iray en utilisant une HDRI capturée sur le tournage et les temps de rendu oscillaient entre 1 et 3 minutes, ce qui était plutôt rapide pour une scène aussi complexe.

Notes

La capture d’environnement HDR sur le tournage n’a pas été évoquée dans cet article, mais les fichiers générés ont bien servi lors de la phase d’illumination et de rendu des différents éléments 3D peuplant le film.

J’aimerais citer d’autres personnes de l’ombre qui m’ont aidé lors de la réalisation des effets du film.
Guillaume Depestèle, qui a créé des maxscript nous ayant fait gagné un temps considérable. Ben McEwan et Riccardo Elliott II ont rotoscopé une poignée de plans en fin de post-prod alors que je commençais à faire des cauchemars remplis de clone m’attendant sur le tournage pour tourner encore plus de plans.

Avec du recul, les effets spéciaux du film auraient pu être faits plus rapidement. Mon problème étant que je passe souvent trop de temps à travailler sur des détails qui ne seront pas forcément visibles à l’écran, certains n’apparaissent seulement en regardant le film image par image, comme ces flashs de lumière bleue qui éclairent les clones lorsqu’ils utilisent leurs blasters, des passes d’insectes volant dans l’image générées avec un système de particules pour ajouter du réalisme dans certains plans, des modèles 3D entièrement texturés… Je suis un perfectionniste.

Au final, avoir travaillé pendant plusieurs années sur ce film donne l’impression que je me rendais tous les jours dans une école de 3D et d’effets spéciaux. J’y ai tellement appris. Je suis reconnaissant envers Nicolas Santini d’avoir cru en mes compétences dès le départ.

Liens:
Film www.versus2.fr
Effets spéciaux et sorcellerie 3D www.moonday.fr

e Mails:
versus2@live.fr 
1k0@moonday.fr 

Écrit par Nicolas Brunet - 6 Mai 2014
Ce PDF est aussi disponible en Anglais. Des versions en lignes sont disponible sur le site et blog de l’auteur,
ainsi que sur le site officiel du film. Les images Making Of de cet article appartiennent à l’auteur et ne doivent pas être reproduites sans
autorisation ou en omettant de citer la source. Les images tirées du film ‘Versus : the Way to Shadow’ appartiennent à Nicolas Santini, tous
droits réservés.